Michel
Bénévole à la Maison du Père, et ancien participant des programmes d'urgence, de référencement et de réinsertion sociale
« Fiable ». Voilà comment on perçoit le bénévole Michel, à la Maison du Père. Fiable, Michel l’est toujours lorsqu’on lui demande d’accueillir les nouveaux usagers, de plier des reçus d’impôt, de mettre dans des enveloppes les cartes de Noël et les infolettres, ou de guider les autres bénévoles. Car Michel est le bénévole-en-chef informel de la Fondation de la Maison.
C’est pourquoi il peut être étonnant de découvrir son passé, celui de l’instabilité, de l’addiction, de la perte et de l’errance. Un parcours abrupt précède les pas de Michel à la Maison du Père. C’est un long parcours qui passe par la rue mais qui a trouvé une issue, celle de la réhabilitation, la sérénité et l’espoir, grâce entre autre à la bonté qu’il a rencontré sur son chemin, aux services de la Maison, ainsi qu’au bénévolat qu’il effectue ici. Voici le témoignage d’une réussite, la sienne.
« Je suis tombé dans la rue à Saint-Jérôme, confie-t-il. J’avais un emploi, mais je consommais beaucoup de drogues. Je consommais de la coke, puis un moment donné, j’ai changé la coke pour consommer des speeds, et ça, ça a été la débandade… J’étais rendu esclave de cette drogue-là. Donc, ça avait une emprise sur ma vie. À tel point que j’ai tout perdu. Ça a détruit ma personne, puis mes relations au travail. »
Nous sommes en 2014. Michel travaillait alors dans une usine, où il bénéficiait de conditions de travail enviables et d’un bon salaire. Mais la consommation de stupéfiants, et le jeu, pourrissent tout. « J’accumulais dette par-dessus dette », ajoute-t-il. À tel point qu’un jour, il est évincé de son logement pour non-paiement du loyer, jeté à la rue dans le grand froid du mois de janvier. Pour éviter la rue, il trouve d’abord un centre d’hébergement, puis un hôtel.
Mais les problèmes de drogue, de jeu et d’argent persistent. « Là, je voyais la fin arriver », dit-il. Pour ne pas souffrir dans la rue, il pense à mettre fin à ses jours. Les profondeurs glacées de la Rivière du Nord l’appelle. Il songe s’y jeter. Il est alors admis à l’hôpital. Il décide finalement de laisser Saint-Jérôme pour Montréal, et du même coup doit quitter son travail après 9 ans d’emploi. Il effectue le trajet dans un taxi, payé par l’hôpital, et trouve une place au chaud à la Mission Old Brewery.
« Quand je suis entré dans le programme de RÉSO [réinsertion sociale, à la Maison du Père], j’étais pas content, vraiment pas content de moi-même. », laisse-t-il tomber. Mais, il n’abandonne pas, et s’inscrit à des ateliers de recherche d’emploi à la Maison. Le contact avec d’autres participants motivés l’inspire, et il se trouve rapidement un bon emploi dans une autre usine, « dans le métal », même s’il connaît peu ce domaine. À ce sujet, son nouvel employeur lui dit une chose : « Tout s’apprend ». Les choses vont bien à son nouvel emploi. Jusqu’à ce qu’il découvre un jour une douleur au dos. C’est une blessure importante, à laquelle la prise de drogues a sans doute contribué. Il doit donc cesser de travailler.
À la Maison du Père, il obtient un studio, puis un appartement à la Maison Wolfe, la maison de chambres gérée par la Maison du Père qui ouvre alors. Il est référé par la Maison du Père au Centre Dollard-Cormier, un centre de réadaptation en dépendance, et y trouve enfin l’aide nécessaire pour affronter ses dépendances. Le centre lui offre de l’aide pour trouver un logement autonome, qu’il obtient en 4 mois.
Depuis, les choses ne font que s’améliorer. « Ça va faire 3 ans que je suis là-bas, et j’ai jamais manqué le loyer, mes comptes sont payés, je mange comme un roi. Oui, il y a un super de gros changement aujourd’hui. Un gros changement… Tout ça pour dire que, oui, j’ai connu des échecs, mais j’ai jamais lâché prise », affirme-t-il.
Le bénévolat à la Maison du Père a joué un rôle dans cette remontée. Dans l’impossibilité de travailler à nouveau à cause de sa blessure au dos, le bénévolat lui donne quelque chose pour meubler son emploi du temps, pour se sentir utile et pour rencontrer des gens. Il apprécie le contact chaleureux avec les employés, et celui avec les nouveaux usagers qu’il accueille, et auxquels il s’identifie. « Faire du bénévolat, je le fais pour aider, pas pour rien en retour. Mais, oui, ça m’a aidé à me redresser, et puis ça me redonne espoir. Ça m’apporte de la joie, d’aider », dit-il.
« Je crois beaucoup à la Maison du Père, conclut-il. Moi, personnellement, ça m’a fait beaucoup de bien [d’être hébergé] ici… et ce que j’ai beaucoup aimé ici, c’est la relation humaine. J’ai rencontré des bonnes personnes ici. Même si j’étais pas heureux d’être ici, au début, je réalise aujourd’hui que ça m’a fait beaucoup de bien. Sans ça, je serais peut-être encore dans la rue, aujourd’hui. » Pour Michel, la rue a trouvé une issue.